Souffrance en France – Christophe Dejours
- Agnès Durand
- 26 nov.
- 2 min de lecture
Il y a des livres qui marquent une vie professionnelle. Souffrance en France est le tout premier que j’ai lu en psychologie du travail. Vingt-cinq ans après sa parution (1998), il reste d’une brûlante actualité.
Christophe Dejours, psychiatre, psychanalyste et fondateur de la psychodynamique du travail, ne se contente pas de décrire la souffrance : il en démonte les rouages avec une précision rare.

Les concepts clés qui bouleversent encore aujourd’hui
La centralité du travail
Pour Dejours, le travail n’est pas seulement une source de revenu : il est le lieu privilégié où l’individu construit son identité et sa santé mentale. Quand le travail devient impossible à bien faire, c’est la subjectivité même qui vacille.
La peur et la souffrance psychique
La peur (d’être licencié, jugé, exclu) empêche souvent la parole au travail. Résultat : la souffrance reste invisible, niée, ou pire, banalisée. Dejours parle de souffrance « niée » ou « banalisée », qui s’enkyste dans le corps et l’âme.
Les mécanismes de défense collectifs
Face à l’impossible, les collectifs élaborent des stratégies défensives idéologiques : cynisme, déni, virilité de façade, concurrence exacerbée. Ces défenses protègent à court terme… mais alimentent la souffrance à long terme.
La distinction entre souffrance pathogène et souffrance créatrice
Toute souffrance n’est pas à rejeter. Il existe une souffrance « mobilisatrice » qui, lorsqu’elle peut être élaborée collectivement, devient source de sens et de transformation. C’est quand elle reste bloquée qu’elle devient pathogène.
La banalisation du mal au travail
Dejours n’hésite pas à parler de perversion organisationnelle : des systèmes qui, sous couvert d’efficacité, organisent la souffrance et la rendent « normale ». Il nous alerte sur le risque d’une société où le mal devient banal parce qu’il est partagé.
Pourquoi ce livre reste incontournable aujourd'hui ?
Il donne des mots précis à ce que beaucoup ressentent sans pouvoir le nommer.
Il montre que la souffrance n’est pas une fatalité individuelle, mais le produit de l’organisation du travail.
Il appelle à la résistance collective et à la reprise de parole : seule la coopération peut transformer la souffrance en intelligence collective.
Pour qui ?
Toute personne qui se sent usée, invisible ou en colère au travail.
Les managers, DRH, représentants du personnel qui veulent comprendre ce qui se joue vraiment derrière les indicateurs.
Les étudiants et professionnels de la psychologie du travail qui cherchent un socle théorique solide et humain.
En conclusion
Souffrance en France n’est pas un livre confortable.Il est un livre nécessaire.Il nous rappelle que le travail peut être source de santé mentale… ou de destruction psychique. Et surtout, qu’on peut encore agir.
Si vous ne l’avez pas encore lu, offrez-vous cette lecture. Elle changera peut-être votre regard sur votre propre travail – et sur celui des autres.
📖 Souffrance en France – La banalisation de l’injustice sociale, Christophe Dejours, Seuil, 1998.
💬 Et vous, avez-vous déjà ressenti cette « souffrance niée » au travail ?
Quels mécanismes de défense avez-vous observés autour de vous ?
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